En mars dernier, nous avons pris la décision difficile de reporter la troisième édition de FURAX, suite à la mise en retrait de Nat’Ali, cofondatrice de l’association, ainsi que la réalisation de manquements collectifs mettant en péril la bonne tenue de l’événement. Dans ces conditions, et parce que nous croyons que nos espaces ont besoin de remise en question pour permettre de vrais changements dans ces dynamiques, nous souhaitons vous exposer les faits qui ont provoqué le report de l’événement et la mise en sommeil de l’association jusqu’à présent.
Contexte et faits
Fin 2023, Nat’Ali, cofondatrice de FURAX, transmet à l’équipe de l’association une capture d’écran d’un tweet publié par la streameuse TataDrapi, évoquant une agression sexuelle qu’elle a subie de sa part. Cette publication est postée en marge d’une dispute entre elles deux sur un tout autre sujet. Nat’Ali nous affirme alors ne pas la connaître et ne pas se souvenir des faits relatés. Cette publication a rapidement été interprétée par notre équipe comme une tentative de déstabilisation à son endroit, dans le cadre de leur altercation. Le tweet ayant été supprimé quelques minutes plus tard, cela a renforcé nos doutes quant à sa véracité.
Cette réaction initiale était une erreur. Nous reconnaissons ne pas avoir cru TataDrapi, ne pas avoir envisagé la possibilité que ses accusations puissent être fondées, et avoir perçu Nat’Ali comme une victime tant elle se présentait comme telle, bien que cela ne nous dédouane en rien de notre absence d’écoute et de discernement vis-à-vis de la parole de la victime. Cette posture a été influencée par des dynamiques de pouvoir et des biais racistes au sein de FURAX que nous devons activement déconstruire. Cela a également conduit à la mise à l’écart de la victime, de l’événement et de ses cercles : c’est un acte discriminant, isolant, inacceptable, et constitue une violence supplémentaire et injuste à son encontre. Nous assumons publiquement cette responsabilité, conformément à la volonté de TataDrapi qui plaide pour que cette situation serve à nourrir des réflexions collectives sur les biais racistes de nos milieux, et les pratiques du féminisme libéral.
C’est dans le sillage de cette première réaction que Djelibae, membre fondateur de l’association, a décidé de quitter FURAX fin 2023. Il est revenu publiquement sur les raisons de ce départ lors d’un live en mars dernier, dans lequel il en a détaillé les circonstances : il a notamment dénoncé la culture du silence et les dynamiques de domination en place dans l’association. Nous lui avons également présenté nos excuses. Sa présence au sein de FURAX était précieuse, et son départ constitue un échec collectif que nous reconnaissons et regrettons.
Évolutions récentes
En mars 2025, lorsque l’agression mentionnée précédemment est à nouveau évoquée publiquement, nous avons pris conscience de la gravité de notre erreur et du déni collectif qui avait prévalu jusqu’alors. Nous avons pris contact avec TataDrapi pour lui apporter notre soutien et l’écouter.
Confrontée sur ces accusations par sa communauté, Nat’Ali a pris la parole sur son serveur Discord et nié une fois de plus les accusations, de façon irrespectueuse et contraire aux valeurs de l’association. La pression liée à la proximité de la troisième édition de FURAX a contribué à un climat tendu et complexe pour ses membres, avec de nombreuses parties prenantes à gérer. À ce moment-là, nous avons choisi d’accueillir la parole de la victime en priorité, et de tout mettre en œuvre pour respecter ses besoins. Des excuses lui ont été présentées au nom de l’association, ainsi qu’à titre individuel. Elle les a acceptées.
Afin d’appliquer la procédure prévue par notre charte éthique, nous avons informé Nat’Ali de sa mise à l’écart, à ce stade présentée comme temporaire, en attendant de déterminer les suites à donner, avec le concours de sa victime. Elle n’a pas été empêchée de prendre contact avec TataDrapi durant cette période ; toutefois, cette possibilité dépendait de la position exprimée par cette dernière, que l’association attendait de recueillir avant d’en informer l’intéressée. Cet échange a finalement eu lieu; échange au cours duquel il lui a été demandé, à elle et à l’ensemble de l’association, une remise en question et une prise de conscience collective de ce qui a mené aux torts commis.
Pendant cette période, plusieurs membres de l’association ont adressé individuellement à Nat’Ali des messages d’empathie et d’écoute. Cette démarche visait non seulement à lui témoigner une attention sincère et amicale, mais également à prévenir son isolement, en maintenant un lien et une présence essentiels. Il s’agissait ainsi d’éviter toute forme d’ostracisation totale, susceptible d’entraîner de profondes souffrances psychologiques et, à terme, des conséquences potentiellement désastreuses. Ces échanges ont été perçus réciproquement comme tendus et parfois violents, ce qui a contribué à créer un climat relationnel difficile et à nourrir des réactions défensives au sein de l’association. Nous reconnaissons que cette situation résulte aussi de nos propres limites collectives à gérer le conflit dans une atmosphère déjà émotionnellement chargée. Dans ce contexte, il apparaît aujourd’hui difficile d’envisager un échange serein avec elle permettant de revenir ensemble sur les événements récents, ainsi que sur les dysfonctionnements collectifs constatés. La procédure interne la concernant a donc été interrompue, et le comité éthique a nécessairement été dissous.
Fin avril, elle a demandé à ne plus être contactée par aucun·e membre de FURAX. En tant qu’association, nous lui avions manifesté notre intention de rester disponibles et à l’écoute malgré les tensions, mais à ce stade, nous respectons sa volonté de ne plus être sollicitée. Nous regrettons la tournure prise par ces échanges. Pour avancer politiquement sur les violences intra-luttes, et pour des raisons qui nous sont propres en tant que groupe, nous aurions voulu pouvoir clore ce processus avec elle. Cela ne nous empêchera pas d’avancer et d’engager un chantier de remise en question de notre côté, mais nous déplorons la tournure de ces événements et souhaitons sincèrement qu’elle puisse avoir la possibilité de faire sa propre remise en question comme elle l’entend.
Conformément aux statuts de l’association et son règlement intérieur, son exclusion sera votée début juin par les membres dirigeants et d’honneur. Cette exclusion devant se conformer à des obligations juridiques strictes, elle ne pouvait être votée immédiatement au mois de mars, et nécessitait une convocation postérieure des membres du bureau, qui, pour certain·es ont eu besoin de prendre une pause et de faire un pas de côté suite à ces événements.
Décisions et perspectives
En parallèle, nous avons pris la décision de reporter la troisième édition de FURAX à 2026. Ce choix s’inscrit dans une volonté de prendre le temps nécessaire pour reconstruire une base collective saine et sûre. Nous restons porté·es par notre mission de mener une levée de fonds essentielle aux associations bénéficiaires de cette édition, Toutes Des Femmes et le Planning familial, qui évoluent dans un contexte politique toujours plus fascisant que nous restons déterminé·es à combattre.
Organiser un événement comme FURAX et gérer une association portant des combats forts implique une responsabilité immense : celle de tout mettre en œuvre pour créer un cadre éthique, sécurisant et respectueux pour tous·tes les participant·es. Afin d’éviter la reproduction de situations similaires, de progresser dans notre approche, et de garantir la tenue du futur événement, nous engageons un chantier de fond.
Plan de reconstruction
- Reconstruction du comité éthique et réécriture de la charte : pour renforcer nos processus internes d’écoute, de signalement et de prise en charge des situations sensibles. Nous ferons appel exclusivement à des personnes externes à l’association.
- Agrandissement de l’équipe : meilleure intégration, répartition des tâches et accompagnement des membres.
- Définition d’une ligne politique claire et apartisane, s’appliquant à nos actions publiques comme internes : à structurer sous la forme d’un manifeste.
- Mise en place d’un organe de contrôle associatif : composé d’adhérent·es volontaires, avec un droit de regard sur les actions de l’association. Ce dispositif vise à contrebalancer l’absence de vote en AG pour les adhérent·es1, et sera proposé dès que l’équipe élargie sera en place.
- Dépersonnalisation de l’association : limitation des représentations incarnées, notamment via des shootings photos ou prises de parole individuelles, afin de recentrer la structure sur ses objectifs collectifs.
Nous espérons que ce travail pourra contribuer à restaurer la confiance avec la communauté, et à faire de FURAX un espace le plus juste, inclusif et responsable possible.
Nous souhaitons remercier nos adhérent·es, nos proches et allié·es qui nous ont épaulé·es ces derniers mois, pour leur patience et leur compréhension, mais aussi pour le temps qu’iels ont accordé à formuler des critiques politiques et des questionnements pertinents qui nous aident à faire mieux, dès maintenant et pour le futur de l’association.
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- Dans les statuts de l’association, les membres adhérent·es ne bénéficient pas d’un droit de vote en Assemblée Générale, ceci dans le but de protéger (dans la mesure du possible) le pseudonymat des membres d’honneur, et de se préserver de toute attaque de nos adversaires politiques. ↩︎